Rivages sacrés en terres Zouloue et Sakalava

Une voix qui transmet la parole des ancêtres et l'origine de la sacralité des lieux aux nouvelles générations...et pourtant la technologie ne parviendra pas à rendre "claire" cette voix, cette bouche du sacré qui reste vague et mystérieuse...
Le sacré...un sujet "intraitable" et mystérieux...
La notion de sacré permet à une société humaine de créer une opposition entre les différents éléments qui composent le monde (objets, actes, espaces, parties du corps…).
Certaines choses seront dites ordinaires, banales, communes, utiles : le profane
et les autres seront mises au-delà de ce qui est ordinaire : le sacré.
D’OÙ VIENT LE SACRÉ ?
Origine : le sacré vient de la tradition (qui peut-être mythologique, religieuse, idéologique). Il désigne l’inaccessible et peut être objet de dévotion ou de peur.
Le sacré témoigne du désir de l’homme de dépasser la réalité matérielle et visible.
Le sacré est « une catégorie universelle de toute conscience humaine » face à sa condition de mortel selon Camille Tarot.
Le sacré est une expérience non rationnelle du mystère, une manière de le respecter sans avoir les clés pour le comprendre.
Le sacré vise le « numineux » selon Otto Rudolf. Le numineux est un concept inventé par cet auteur qui signifie « avoir le sentiment, plein de mystère et de terreur, d’une présence absolue « d’un autre » en soi. Comme, par exemple dans la culture malgache, la visitation, la présence d’un ancêtre en soi.
HISTOIRE DU SACRÉ
Le sacré et le religieux peuvent être séparés ou se confondre ;
Sur le plan historique, « tantôt le sacré s’identifie ou se confond avec le divin : c’est le cas des religions archaïques (anciennes), tantôt c’est le sacré qui s’estompe au profit du divin : c’est le cas des formes religieuses qui relativisent les mythes et les rites » Roger Caillois.
L’HOMME ET LE SACRÉ
L’homme peut avoir deux attitudes par rapport au sacré selon Roger Caillois :
Soit : le respect de l’interdit
Soit : la transgression de l’interdit
Si l’homme veut échapper à sa condition mortelle et faire l’expérience du sacré, il a trois solutions :
-ériger des tabous, des interdits (totémisme)
-pratiquer la magie (l’animisme)
ou
-trouver une religion
COMMENT LES CHOSES, LES LIEUX DEVIENNENT-ILS SACRÉS ?
Comment un objet devient sacré ?
Comment est-il retranché (retiré) au monde profane ?
-
par un rituel
-
par le don de cet objet à une divinité
Les éléments du sacré sont généralement considérés comme intouchables : leur manipulation, même en pensée doit obéir à certains rituels bien définis.
Ne pas respecter ces règles=péché ou crime=sacrilège
Le pire des sacrilèges est la profanation, c’est à dire l’introduction d’éléments profanes dans une enceinte sacrée
Les représentations religieuses sont des représentations collectives : l’essence du religieux ne peut être que le sacré. Le sacré est un être collectif qui représente toute la société. « Les choses sacrées sont celles que les interdits protègent et isolent, et les choses profanes étant celles auxquelles ces interdits s'appliquent et qui doivent rester à l'écart des premières. La relation entre Sacré et Profane est l'essence du fait religieux. » Émile Durkheim
Pour Mircéa Éliade, le sacré est constitué par l’ensemble des hiérophanies, c’est à dire l’ensemble des révélations et des manifestations du sacré.
« L'occidental moderne éprouve un certain malaise devant certaines formes de manifestations du sacré : il lui est difficile d'accepter que, pour certains êtres humains, le sacré puisse se manifester dans des pierres ou dans des arbres. Or, […] il ne s'agit pas d'une vénération de la pierre ou de l'arbre en eux-mêmes. Les arbres sacrés ne sont pas adorés en tant que tels ; ils ne le sont justement que parce qu'ils sont des hiérophanies, parce qu'ils “montrent” quelque chose qui n'est ni pierre ni arbre, mais qui est au-delà c’est à dire sacré »
On voit bien cette dimension du sacré chez les Sakalava : en manifestant le sacré, un objet quelconque devient autre chose, mais reste aussi lui-même. Une pierre, une cascade, un arbre sacrés restent une pierre, une cascade, un arbre ; d'un point de vue profane rien ne le ou la distingue de toutes les autres pierres, cascades, arbres. Mais pour ceux auxquels une pierre se révèle sacrée, sa réalité devient une réalité surnaturelle. C’est la raison pour laquelle ces éléments sont entourés de tissus rouges pour signaler aux profanes qu’il s’agit d’un lieu sacré.
Il s’agit souvent de sites grandioses qui ont des qualités géologiques stupéfiantes.
Chaque objet sacré a donc un aspect double : il est à la fois profane et sacré.
Pourquoi un objet, un lieu cesse d’être sacré ?
On ne trouve pas de réponses précises. Comme beaucoup d’éléments liés au sacré, la transmission des croyances se fait oralement et s’entoure de beaucoup de mystère.
Finalement, le sacré, quelles que soient ses formes ou ses manifestations dans les différentes cultures, témoigne de la volonté de l’homme de dépasser sa condition mortelle, matérielle et visible pour accéder à une forme d’absolu, mystérieuse et parfois terrifiante.
Plus concrètement, on se rend compte également que le respect des interdits liés au sacré permet de préserver de nombreux sites naturels exceptionnels, comme c’est le cas dans le Nord de Madagascar.
Bibliographie :
Le sacré, de Jean-Jacques Wunenburger, PUF.
Le Sacré, d’Otto Rudolf.
L’homme et le sacré, Roger Caillois.
Le sacré et le profane, Mircéa Éliade.
Les formes élémentaires de la vie religieuse, Émile Durkheim.